· Extrait


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Préface

 

Une histoire belge… parmi tant d'autres similaires

 

L'histoire de la Belgique moderne commence au début du XIXe siècle.

Le continent européen traversait une période d’instabilité à la suite des invasions dévastatrices de la France napoléonienne. Ces guerres incessantes s'étaient conclues par la défaite des troupes françaises face à une coalition anglo-néerlando-prussienne sur les plaines de Waterloo en 1815.

Les grandes puissances d'Europe s'étaient alors réunies au congrès de Vienne pour remettre de l'ordre et redéfinir les frontières.

C'est à ce moment que la décision a été prise de créer un plus grand territoire intermédiaire entre les trois rivaux du Nord-Ouest du continent : l'Allemagne de l'époque, le Royaume-Uni et la France. Ce pays neutre devait permettre de réduire les tensions en limitant les frontières partagées entre ces voisins. Il devait aussi pouvoir opposer une certaine résistance en cas d'attaque afin d’offrir plus de temps aux autres parties pour qu’elles puissent se préparer.

Ce nouveau pays était connu sous le nom de « Royaume-Uni des Pays-Bas », « Verenigd Koninkrijk der Nederlanden ». Il était principalement composé des territoires actuels des Pays-Bas, au Nord, et de la Belgique, au Sud. Sa capitale était Amsterdam, où le premier roi s’était d’ailleurs installé.

Sa langue d’État était le néerlandais, plus précisément le dialecte germanique de la capitale (qui était bien distinct des autres variantes parlées dans le Sud, à cette époque).

 

Face à un roi despotique qui imposa son pouvoir et son dialecte de façon autoritaire, une élite indépendantiste se forma dans la partie sud. Quelques années plus tard, en 1830, cette élite déclara unilatéralement l'indépendance de cette région. Elle forma progressivement un nouvel État, sous la forme d’une monarchie parlementaire : « le Royaume de Belgique ».

La partie nord de l’éphémère Royaume-Uni des Pays-Bas fut alors simplement renommée « Royaume des Pays-Bas ». Quant à son premier souverain, il abdiqua finalement en 1840 après une série de scandales, de revers politiques et d’échecs militaires. À la suite de ce désastre, les pouvoirs de ses successeurs furent drastiquement limités dans le cadre d’une révision de la Constitution néerlandaise, qui instaura à son tour les bases d’une monarchie parlementaire.

 

À travers l'histoire et les continents, soulignons que des élites non représentatives de la société civile ont cherché à imposer leur vision partiale, tout en prétendant à tort vouloir défendre l'intérêt du plus grand nombre

Après la déclaration unilatérale d’indépendance de la Belgique, l'élite, dirigée par une bourgeoisie plutôt instruite et francisée, ne s’intéressait pas aux préoccupations de la population, plutôt rurale, peu instruite et qui s’exprimait majoritairement dans divers patois régionaux :

- Des patois d’origine latine, assimilés au « wallon ».

- Des patois d’origine germanique, assimilés au néerlandais ou au « flamand ». Ce dernier terme désigne spécifiquement les patois germaniques du Nord du pays qui, de nos jours, se rapprochent du néerlandais standard (défini par l’Union de la langue néerlandaise, de Nederlandse Taalunie). Ils gardent cependant certaines particularités, en ce qui concerne la prononciation par exemple.

 

La nouvelle élite indépendantiste cherchait avant tout à protéger divers intérêts à court terme, et elle n’avait qu’une vague conception de ce que ce pays devait devenir. Sa principale inquiétude était la quête de reconnaissance internationale dans une Europe instable et tout juste sortie d'un énième conflit. Le reste du continent voyait d'un œil dubitatif cette situation ne correspondant pas à ce qui avait été convenu au congrès de Vienne.

L’élite, non représentative des intérêts de la population, parvint à confirmer l'indépendance du territoire et sa neutralité vis-à-vis des États voisins, entre autres :

1. En proposant un dignitaire anglo-allemand comme roi.

2. En choisissant le français comme langue d’État.

3. En acceptant de prendre en charge une partie de la dette publique qui pesait sur les autorités d'Amsterdam encore hésitantes.

Quand il fallut nommer ce pays, cela se fit en référence aux premières tribus sédentarisées connues dans la région. Elles étaient celtes et étaient désignées sous le nom de Bhelgh, ou Belgae en latin.

Ces « premiers Belges » s'y étaient installés il y a plus de deux mille ans. Ils avaient leur propre langue d'origine celtique, leurs croyances religieuses, leurs coutumes, et peut-être des traits physiques particuliers, dont on ne sait pas grand-chose. La seule certitude, c'est qu'ils ne parlaient pas le wallon, le néerlandais, le français ou l’allemand, idiomes qui ne se sont développés que des siècles plus tard. En ce qui concerne le peuplement de la région, il est aussi important de noter que des tribus de chasseurs-cueilleurs étaient déjà présentes sur ce territoire des milliers d'années avant l'arrivée des Celtes.


Intéressons-nous à présent aux particularités linguistiques de la Belgique, et à ses trois langues officielles : le néerlandais, le français et l'allemand.

Cette situation résulte d'une histoire complexe marquée par plusieurs invasions, conflits et influences étrangères. Les points suivants permettent d'en avoir une meilleure idée.

1. Au cours des siècles qui précédèrent notre ère, les incursions de tribus germaniques menaçaient régulièrement les peuples celtes installés dans cette partie du continent.
Ce fut cependant l'Empire romain qui parvint à en prendre le contrôle. La culture romaine et la langue latine s'imposèrent dans la région, y compris sur le territoire actuel de la Belgique. Cette présence finit par effacer quasi toute trace de la culture belge d’origine.
Elle laissa une variante locale du latin, qui donna naissance aux patois wallons, encore parlés par une minorité de la population.

2. Quelques siècles plus tard, les tribus germaniques avoisinantes profitèrent de l'affaiblissement de l'Empire romain pour envahir ce territoire. Elles apportèrent à leur tour leurs propres langues, ancêtres des patois qui donnèrent naissance au néerlandais.

3. Au XIXe siècle, les grandes migrations des campagnes vers les villes et les mesures discriminatoires profrancophones poussèrent une partie importante de la population à abandonner les patois latins et germaniques pour le français. À cette époque, marquée par la révolution industrielle, l'économie du pays était focalisée sur l'extraction et la transformation des ressources naturelles du Sud du territoire. C’est l’une des raisons qui ont fait que cette partie s'est développée plus rapidement et a commencé à se franciser.
Il en est de même pour la capitale, Bruxelles, malgré son ancrage physique en région néerlandophone.

Au cours de cette période, le Nord du pays était peu développé, principalement agricole, et relativement négligé par les autorités nationales en ce qui concerne l'éducation et l'emploi.
Cette situation a favorisé la formation de mouvements séparatistes centrés sur l’appartenance au groupe linguistique néerlandophone, alors dénigré par la haute société. La pauvreté, les discriminations, les négligences de la part du gouvernement, et les désastres causés par les deux guerres mondiales ont renforcé ces mouvements communautaires qui s'opposaient à certaines autorités publiques méprisantes. Ils allaient jusqu'à demander l'indépendance régionale.

Ce n'est qu'avec la révolution technologique des années 1960 et 1970 que les atouts locaux du Nord du pays, resté néerlandophone, ont permis à son économie de prendre son envol. Au même moment, la situation du Sud du territoire se détériorait à cause de sa dépendance à des industries en déclin, le charbonnage et la sidérurgie, et de difficultés d'adaptation face à des changements économiques d'ordre mondial.

4. Quant aux principaux territoires germanophones, à l’Est du pays, ils faisaient partie de l’Allemagne auparavant. Ils ont été annexés à la Belgique à la suite de la première guerre mondiale, au titre de dommages de guerre (déterminés dans le cadre du Traité de Versailles du 28 juin 1919), et après l’organisation d’une « fausse » consultation populaire ; « fausse », car les opposants à cette annexion avaient été ouvertement intimidés et pourchassés par les autorités belges, ce qui a d’ailleurs envenimé les relations belgo-allemandes durant l’entre-deux-guerres.

5. Concernant ces cent dernières années, il est important d’ajouter que les périodes de plein-emploi et de reconstruction d’après-guerre ont conduit les autorités publiques et les entreprises privées à faire appel à un nombre important d’immigrés en provenance du Sud de l’Europe, du Nord de l’Afrique, et d’Anatolie. On a incité les immigrés concernés à s’installer durablement, principalement pour les encourager à consommer et à investir leurs salaires dans l’économie locale (dans l’immobilier, par exemple), ainsi que pour répondre aux futures demandes du marché de l’emploi.

Des flux migratoires supplémentaires ont également eu lieu en provenance d’anciens territoires coloniaux belges, et de pays membres ou partenaires de l’Union européenne.

 

 

Ici, il semble utile de démystifier « les prétendues tensions entre néerlandophones et francophones » de Belgique. En discutant avec de nombreuses personnes qui sont en faveur de l'indépendance de la Flandre, région majoritairement néerlandophone, on peut se rendre compte qu'ils ne haïssent pas les francophones comme beaucoup le pensent à cause de préjugés (notamment répandus par des pseudo-journalistes avides d’amalgame).

À côté de certains aspects économiques passagers, ce qui semble être à l'origine de nombreuses tensions, c'est avant tout le fait qu'en Belgique, une partie importante de la population ignore encore l'histoire récente de la communauté linguistique néerlandophone. En particulier, les injustices et les autres formes de « pressions » qui étaient courantes juste après l'indépendance de la Belgique en 1830.

Cette situation était encouragée par une élite indépendantiste qui voulait franciser la haute société. À cette époque, la population belge était plutôt rurale, et elle parlait principalement des patois régionaux. C'est suite à l'exode rural du début de la révolution industrielle et à différentes formes de pression de la part de l'élite profrancophone de l'époque, qu'une partie de la population a commencé à se franciser ; la capitale administrative, Bruxelles, et le Sud du pays sont ainsi devenus majoritairement francophones. Parmi les pressions profrancophones, mentionnons les mesures discriminatoires qui réservaient les postes importants dans l'administration publique et dans les entreprises privées aux personnes qui parlaient couramment le français. À côté de cela, les patois, aussi bien latins que germaniques, étaient dévalorisés, voire rejetés par l’État et la haute société.

 

Aujourd’hui, une nouvelle révolution technologique est en cours. Elle crée des difficultés et des opportunités pour tous les citoyens. Dans cette situation, ce qui nous affaiblit, et qui représente la plus grande menace actuelle, ne semble pas être un pays ou une organisation criminelle quelconque, mais plutôt toutes les discriminations et tensions communautaires qui tendent à diviser. Cela concerne les discours réducteurs, parfois haineux, anti-francophones et anti-néerlandophones, anti-Afrique et anti-Europe de l'Est, antireligieux et anti-athées, anti-droite et anti-gauche, « anti… » tout ce qui ne correspond pas à certains idéaux ou à des caractéristiques individuelles.

L'histoire a montré à de trop nombreuses reprises qu'aucune langue, aucune frontière géographique, aucune couleur de peau, aucune conviction religieuse ou philosophique, aucun modèle économique, et aucun intérêt temporaire (financier ou sécuritaire) n'étaient capables de rassembler des individus de façon cohérente et durable…

Les siècles de guerres entre pays européens voisins à majorité chrétienne, avec des spécificités linguistiques partagées, et avec un modèle économique commun confirment cette évidence ; il en est de même en ce qui concerne les territoires à majorité musulmane ou hindoue, en Asie et en Afrique.

Comme exemple du XXe siècle, citons aussi « la double trahison des services de sécurité suédois ».
Ces derniers ont favorisé l’expansion militaire de l’Allemagne nazie en Europe. Leur soutien, faussement
« neutre », avait notamment pris la forme d’aide en ce qui concerne le transport de troupes allemandes pour l’invasion de la Norvège en 1940, ainsi que la livraison privilégiée de matières premières essentielles à l’industrie militaire. Une fois les alliés en position de force, la Suède n’hésita pas à renier ses engagements, et à changer de camp à nouveau.

Par le passé, seule la défense sans condition des différents aspects des droits humains semble avoir permis de rassembler durablement des individus, indépendamment de la situation.

La construction de l'Union européenne, amorcée par l’adoption de la Convention européenne des droits de l’homme en 1950, en constitue un bel exemple. Cet ambitieux projet de paix a finalement rapproché les populations du Nord-Ouest du continent européen, après plus de deux millénaires de conflits régionaux et au lendemain de la seconde guerre mondiale.

L’engagement mutuel de respecter les droits des citoyens a permis de progressivement stabiliser le continent, de favoriser le dialogue pour la résolution de tensions frontalières, d’offrir de nouveaux débouchés sur le plan économique, et d’améliorer les conditions de vie de la population.

Lorsque le gouvernement ou les services de sécurité d'un pays commettent des injustices contre leur population ou contre une partie de celle-ci (les femmes, une communauté religieuse ou linguistique, etc.), ils incitent les autres pays à faire de même. Ils alimentent un cercle vicieux qui peut conduire aux pires situations, sur le plan national et international.

Alors que lorsqu’ils défendent les droits de leurs citoyens, ils semblent encourager les pays voisins et leurs partenaires à aller dans ce sens, renforcent la stabilité sécuritaire et économique, et créent les conditions d’un progrès durable.

La défense de la dignité humaine, de manière transparente, semble être un point de repère universel capable d'unir des individus, quelles que soient les difficultés et opportunités présentes. C'est le cas lors de périodes de grands changements comme celle que nous traversons.

La dignité humaine couvre en particulier l'intégrité physique et psychologique de tous, indépendamment du genre, de l'âge, de la langue maternelle, des origines, des convictions religieuses et philosophiques… ainsi que la liberté d'expression, tant que celle-ci n'incite pas à la haine et à la discrimination.

L'obscurité permet de prendre conscience des bienfaits de la lumière. Il en est de même pour l'ignorance et le savoir, la guerre et la paix, l'antipathie et l'empathie, le rejet et le respect.

S'intéresser à l'aspect biologique de certains comportements humains et à l'histoire des générations précédentes permet de mieux comprendre le passé et le présent, et de façonner un avenir meilleur dans l’intérêt de tous, comme cet ouvrage le mettra en évidence.

 

 


De Bruxelles à Grand Brussel

Le mot « Grand » (en français) symbolise ici l’élévation et le dépassement ; Le nom propre « Brussel » (Bruxelles en néerlandais), le respect et la compréhension mutuels nécessaires pour aller au-delà des différences, des incompréhensions, des peurs, des tensions d’origines linguistiques, religieuses, philosophiques, politiques… afin de pouvoir répondre au changement.

« Grand Brussel », expression bilingue, résume en deux mots cette nécessité de se respecter, de chercher à mieux se comprendre, de s’intéresser aux véritables causes des problèmes rencontrés, et de se soutenir pour pouvoir finalement s’élever et les dépasser ensemble.

Il semble qu'aucun individu, ou groupe d'individus, ne soit parfait et ne soit capable d'aller de l'avant indépendamment des autres. Un effort dans le respect de la dignité humaine semble en revanche pouvoir rassembler les individus afin de répondre aux difficultés actuelles, ainsi qu’à toutes celles à venir.

En apprenant à rouler à vélo ou encore à conduire, on réalise rapidement qu’il faut éviter de se concentrer sur les obstacles potentiels. Le stress suscité détourne l’attention du trajet qu’on aimerait emprunter, et conduit inconsciemment à prendre des décisions qui nous rapprochent de ce qu’on voudrait éviter… Ce constat encourage à porter son attention sur la route à suivre pour pouvoir aller de l'avant. Il en va de même pour toutes sortes de situations de la vie courante.

Le monde n'est ni noir ni blanc… Il semble plutôt se déplacer continuellement entre ces deux extrémités, et c'est à l’humanité de choisir la direction de ce déplacement à travers les décisions et engagements, aussi bien individuels que collectifs, pris au quotidien.



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Premier passage

 

2.2.1. L'importance de l’engagement personnel

 

L’apprentissage de certaines matières pourrait être enrichi à l’aide de projets qui encouragent l’engagement personnel. En ce qui concerne les langues, par exemple, depuis trop longtemps, la majorité des Bruxellois, Flamands et Wallons qui étudient l'autre principale langue nationale de Belgique se contentent d’apprendre par cœur des listes de mots pendant des années sans jamais avoir l'occasion de parler la langue. Résultat : la participation active à une discussion de base est souvent difficile. Cette problématique n'est pas propre à la Belgique comme certains le répètent. Dans la plupart des pays développés, l'enseignement des langues est semblable, avec des résultats décevants.

Les études dans ce domaine montrent pourtant que l’acquisition de connaissances linguistiques ne fait pas uniquement appel à la mémoire, mais aussi à d’autres fonctions cognitives. Le fait de rester assis en classe, dans un endroit fermé, ne permet pas de les stimuler au mieux et n'encourage pas les étudiants à s'investir personnellement.

Plutôt que de tenter de mémoriser des milliers de mots (qui sont généralement oubliés après les examens), il semblerait plus utile, intéressant et motivant de maîtriser un vocabulaire de base dans un domaine pour lequel on a un minimum d'intérêt, tout en améliorant la prononciation et la grammaire.

 

Pour ma part, je me rappelle avoir toujours eu de mauvaises notes en néerlandais à l'école. Le fait d'entendre un tas d'absurdités sur cette langue ne m'avait pas encouragé à fournir des efforts supplémentaires. De façon assez surprenante, je n'ai commencé à comprendre cet idiome qu'après avoir fini mes études secondaires, et grâce à un projet de volontariat de six mois en Allemagne (dans un jardin d'enfants Montessori, dans le cadre du service volontaire européen).

Après avoir appris les bases de l'allemand et être rentré en Belgique, j'ai été surpris de réaliser que ces connaissances me permettaient enfin de comprendre un peu le néerlandais ! Ces deux idiomes ont en effet une racine germanique commune, et partagent de nombreux mots.

Après mes études supérieures, j'ai eu l'occasion d'améliorer mon niveau en suivant des cours du soir et en discutant avec des collègues néerlandophones.

 

Une façon efficace (parmi d’autres) d’apprendre une nouvelle langue est de prendre part à un cours intensif de quelques semaines afin d’acquérir les bases de la prononciation, du vocabulaire et de la grammaire, et ensuite de mettre cela en pratique dans un environnement « stimulant, détendu et respectueux » ; ce genre de contexte semble essentiel pour se concentrer sur l'acquisition de nouvelles connaissances et compétences.

J’ai suivi cette démarche après m’être installé en Suède. Un cours intensif de quelques semaines m’a permis de découvrir les spécificités du suédois. Ensuite, j'ai pu mettre ces connaissances en pratique en effectuant quelques heures de volontariat par semaine dans une ASBL suédoise, active dans le domaine social. Ce n'est jamais facile au début, mais le fait de participer à un projet concret rend l’apprentissage beaucoup plus intéressant et motivant.

 

Il semble évident que la pratique est indispensable pour les formations linguistiques.

Les cours donnés en classe pourraient par conséquent être partiellement remplacés, ou complétés, par des activités engageantes qui stimulent la motivation et la capacité à apprendre, telles que des jeux de société, des cours de sport, des ateliers créatifs de théâtre, d'art, de stylisme, de cuisine ou de musique, des stages ou du volontariat.

Il y a suffisamment de bus, de trains et de routes pour permettre à la plupart des néerlandophones et des francophones de Belgique de prendre part à ce genre d'activités dans l'autre communauté ; ne serait-ce qu'une demi-journée par semaine, un jeudi après-midi par exemple.

Dans ce même registre, le jumelage entre établissements néerlandophones, francophones et germanophones permettrait de faciliter le dialogue intercommunautaire, de lancer des projets communs (éventuellement modestes pour commencer), et d’aller au-delà des barrières linguistiques dans l’enseignement. Ce genre d’initiatives pourrait être encouragé par les pouvoirs publics nationaux.

L'apprentissage par la pratique n'est pas une solution universelle pour toutes les matières et pour tout le monde, mais c'est sans aucun doute une piste intéressante pour améliorer la situation actuelle dans plusieurs domaines. Cela pourrait s'ajouter aux efforts de promotion de l'enseignement « en immersion partielle » (incluant un ou plusieurs cours dans une seconde langue), en le complétant à l'aide d’animations dans l’une des autres langues nationales, en dehors du cadre purement scolaire.

 

De nos jours, de tels changements semblent indispensables et présentent des avantages supplémentaires ; aussi bien sur le plan professionnel en donnant accès à un plus grand réseau, à plus d'opportunités d'emploi et à de meilleures conditions salariales, que sur le plan personnel au niveau du développement intellectuel et de l'accès à un plus large éventail d'activités culturelles et de formations.

 

Cela permettrait aussi et surtout de construire une partie des ponts nécessaires à la compréhension et au soutien mutuels qui font parfois défaut à une société développée et multiculturelle. Ce qui semble manquer aujourd'hui, c'est avant tout une plateforme fédérale afin de promouvoir et de faciliter ce genre d'initiatives dans l’enseignement. Cela apporterait plus de visibilité et de soutien aux organisations qui financent déjà des projets pédagogiques en faveur du plurilinguisme, telles que le Fonds Prince Philippe. Les résultats obtenus pourraient être surprenants par rapport aux difficultés que nous connaissons, mais il faudrait aller à l’encontre des instincts de régionalisation qui nous ont longtemps détournés des vraies difficultés.

 

En ce qui concerne d’autres domaines que les connaissances linguistiques, comme les sciences, de nouveaux projets basés sur la pratique pourraient encourager la créativité et les réflexions citoyennes, essentielles dans notre société. Les idées qui seront développées au point 2.2.5. L’inclusion d’activités pratiques en constituent quelques exemples.

 

À côté des initiatives qui visent à renforcer l’engagement personnel dans l’apprentissage et à encourager le dialogue entre citoyens, il semblerait aussi utile de s’intéresser aux aspects biologiques des comportements humains. Être capable de mieux se comprendre, soi-même et les autres, et de se remettre en question, est en effet crucial.

Le célèbre psychanalyste et écrivain suisse Carl Gustav Jung encourageait ce genre d’efforts, avec les propos suivants par exemple : « En comprenant l’inconscient, on se libère de sa domination » [1].

 

Sur le plan psychologique, social et sociétal, on pourrait éventuellement ajouter que les comportements du passé seront inconsciemment reproduits dans des contextes similaires jusqu’à ce qu’on parvienne à une meilleure compréhension des mécanismes biologiques qui les influencent.

 

Les passages qui suivent n’ont pas pour objectif de résumer des aspects complexes de la psychologie humaine. Ils visent plutôt à mentionner quelques éléments-clés, et à susciter plus d’intérêt pour la compréhension de la nature de l’être humain.

 

 


2.2.2. Le développement du cerveau et des capacités intellectuelles

L’être humain n’est pas un objet immuable qui apparaît à la naissance, mais un organisme vivant qui se construit, et se reconstruire, tout au long de la vie sur les plans :

physique, en ce que l’oxygène et les nutriments qu’il consomme sont utilisés pour « former, entretenir et regénérer » les milliards de cellules, la structure osseuse, et les réserves d’énergie qui constituent l’essentiel de son corps ;

intellectuel, en ce qu’il acquiert diverses connaissances et compétences (pour apprendre à saisir des objets, à marcher debout, à communiquer dans une ou plusieurs langues, à lire, à écrire, à compter, à calculer, à structurer ses pensées, à analyser son contexte, à cuisiner, à manipuler des outils…) selon son parcours personnel ;

– et psychologique, en ce que ses comportements sont fortement influencés par la somme de ses interactions avec son milieu de vie.

 

Le corps humain possède différents mécanismes biologiques qui lui permettent, dans une certaine mesure, de s’adapter en permanence à son environnement et à ses activités quotidiennes.

La peau d'un individu régulièrement exposée au soleil a par exemple tendance à brunir pour se renforcer, grâce à la production de mélanine.

De même, un individu qui a un mode de vie physiquement exigeant, ou qui fait régulièrement du sport, enclenchera des mécanismes biologiques qui renforceront les muscles sollicités.

D'une façon assez surprenante, le cerveau s'adapte aussi en fonction des activités cognitives du quotidien. L’apprentissage d’une ou plusieurs « langues maternelles » en est un exemple bien connu. Il résulte du développement inconscient de facultés cérébrales, liées à l’acquisition de compétences linguistiques, au plus jeune âge.

[14] Chaîne YouTube YaleCourses, Université de Yale, Introduction à la psychologie – 6. Comment communique-t-on ?

https://youtu.be/Uf9tlbMckS0 (vidéo, durée 56:30, en anglais avec sous-titres en anglais)

 

Les avancées technologiques récentes dans le domaine des IRM fonctionnelles et les recherches en neurosciences ont permis de mettre en évidence le fait que le cerveau n'est pas un organe figé dont les principales caractéristiques seraient prédéterminées à la naissance. Il possède plutôt une certaine plasticité, qui offre des possibilités de développement tout au long de la vie, selon les interactions avec le milieu extérieur. C'est également cette plasticité qui permet d'accumuler des connaissances, de développer des compétences, de s'adapter à différents modes de vie, ou qui peut être à l'origine de burn out ou de changements comportementaux à la suite d’une exposition à une situation stressante intense ou prolongée.

 

À l'image de la masse musculaire qui s'adapte, en s'atrophiant ou en se développant, en fonction des habitudes physiques, les facultés cérébrales s'adaptent en partie selon les activités intellectuelles. Cette capacité peut être régressive ou progressive.

 

Exemples d'adaptation régressive :

 

On entend parfois que le stress peut pousser à des actions sottes, irresponsables ou violentes. Ou encore, qu’il peut causer des « trous de mémoire ». Pour être plus précis, on pourrait ajouter que dans une situation de danger potentiel ou d’incompréhension soudaine, le corps produit un ensemble d'hormones (notamment de l’adrénaline et du cortisol). Il agit instantanément en affaiblissant les facultés intellectuelles avancées, comme le raisonnement, pour pouvoir renforcer les fonctions primaires plus utiles à la survie, telles celles liées à l'attention et à la motricité.

Ces mécanismes permettent de se préparer face à une possible menace. Ils feraient partie de l'instinct de survie, qui a permis à nos ancêtres de faire face aux dangers omniprésents dans la nature, pendant des milliers d'années.

Dans notre société contemporaine, qui est caractérisée par de nombreuses interactions, ces automatismes inconscients sont le plus souvent activés « par erreur ». Ils peuvent parfois avoir des conséquences désastreuses, ce qui devrait encourager à les comprendre pour mieux les contrôler et améliorer notre quotidien.

 

Suite à une expérience traumatisante – un contexte de stress d'une forte intensité ou prolongé – une production anormale d'hormones s'attaque au cerveau, et détruit un nombre significatif de neurones et de connexions neuronales. Cette situation peut provoquer un dérèglement de facultés cérébrales, et être à l'origine de troubles mentaux comme les crises d'anxiété, les dépressions prolongées, les burn out, les changements de personnalité, et d’autres troubles qualifiés de post-traumatiques (PTSD). Dans certains cas, le cerveau va jusqu’à s'atrophier. Cela conduit à des effets néfastes comme de grandes difficultés de concentration et de discernement, une perte de repères à l’origine de comportements irrationnels ou violents, ou une forme de souffrance psychologique.

Le cas de personnes devenues moins sensibles émotionnellement (qui réagissent faiblement à des situations abjectes) est un exemple de dégradation de fonctions cognitives liée au stress. En effet, la plupart du temps, c'est l'exposition à des événements traumatisants qui a entraîné une destruction de neurones, et un dérèglement de l'amygdale cérébrale et de l’hypothalamus, tous deux responsables de la gestion des émotions.

[15] Madhumita Murgia et Andrew Zimbelman, Comment le stress affecte le cerveau ?

https://youtu.be/WuyPuH9ojCE (vidéo, durée 4:16, en anglais avec sous-titres en français)

[16] American Psychological Association, Comment le stress affecte votre santé ?

https://www.apa.org/helpcenter/stress-facts (texte, en anglais)

[17] Programme télévisé France 5, Allô Docteurs, Le burn out, comment s'en sortir ?

https://youtu.be/284mL4UUmrw (vidéo, durée 25:14, en français)

[18] Programme télévisé France 5, Enquête de Santé, Méditation : une révolution dans le cerveau

https://youtu.be/JD2dv1TbhD8 (vidéo, durée 52:26, en français)

Plus généralement, quand un individu ou un groupe d’individus a de grandes difficultés à s’adapter à son environnement ou à son mode de vie, les mécanismes liés au stress se prolongent dans le temps. Ils conduisent à une limitation progressive des facultés cérébrales avancées qui sont les plus coûteuses en matière d’énergie et de temps.
D’une certaine manière, ces mécanismes autodestructeurs semblent mener à une adaptation régressive, incontrôlée, qui cherche un nouvel équilibre à un niveau de complexité inférieur afin de s’adapter à des conditions d’instabilité persistantes. Ils peuvent aussi être vus comme un signal qui devrait encourager à fournir des efforts supplémentaires, notamment intellectuels, pour se dépasser et surmonter les difficultés rencontrées.

 

À côté des hormones produites par le corps, des substances extérieures telles que l’alcool et les drogues affectent aussi le fonctionnement du cerveau de manière temporaire. Elles peuvent en dégrader les capacités cognitives, provoquer des changements comportementaux et, dans certains contextes, créer une dépendance qui conduit à un cercle vicieux.

 

 

Exemples d'adaptation progressive :

 

En s’intéressant à l’histoire, on peut avoir du mal à réaliser que les capacités de développement cérébral de l’être humain sont similaires depuis des milliers d’années. C’est avant tout la transmission et l’accumulation des savoirs au fil des siècles qui ont favorisé son essor intellectuel, et qui sont à l’origine d’avancées remarquables telles que l’alphabet phénicien, le papier chinois, la numération décimale indienne, l’algorithmique bagdadienne, l’impression typographique mayençaise, la machine à vapeur, l’électronique, et l’exploration spatiale.

 

Les aptitudes intellectuelles d'un individu se développent grâce à l'acquisition de connaissances et de compétences, à une alimentation saine et variée, et à des exercices intellectuels comme la méditation, et physiques comme la marche.

L'apprentissage d'une langue permet par exemple de développer des connexions neuronales entre différentes parties du cerveau (celles liées à la mémoire, à l'attention, à l'ouïe, à la parole…). Ces nouvelles connexions offrent ensuite des facilités pour toute autre activité qui fait appel aux mêmes facultés.

Les travaux en neurosciences conduits par l'experte de renommée internationale Helen Neville, directrice du Brain Development Lab de l'Université de l'Oregon, ont permis de mettre en évidence l'impact significatif que l'environnement et les expériences personnelles cumulées ont sur le développement du cerveau et des fonctions cognitives.

[19] Helen Neville, Association for Psychological Science, Développement du cerveau et neuroplasticité

https://www.psychologicalscience.org/observer/brain-development-and-neuroplasticity (vidéo, durée 50:13, en anglais)

 

Contrairement à certaines croyances populaires, les facteurs génétiques individuels jouent un rôle généralement mineur dans le développement des capacités intellectuelles et de la personnalité. Dans notre société moderne, ces facteurs sont le plus souvent insignifiants par rapport à l'importance des expériences personnelles cumulées et à leurs influences sur la plasticité du cerveau.

Comme exemple bien connu d'aberrations, citons les idées reçues qui avancent que des caractéristiques génétiques propres aux femmes font qu'elles sont moins douées en mathématiques. Ce sont bien sûr des absurdités, ces spécificités n'ont pas d’influence significative sur l'apprentissage des mathématiques. Ce sont plutôt les clichés que certaines personnes véhiculent qui posent des obstacles, représentent un facteur de démotivation, et peuvent ainsi avoir un impact négatif sur ce plan.

Il semble clair que ce qui a une influence majeure sur les facultés cognitives, c'est d'une part l'environnement d'apprentissage, et d'autre part la façon dont la société discrimine ou traite différemment les individus selon certaines caractéristiques physiques, culturelles ou sociales.

Un professeur qui affirme par exemple que les étudiants dotés de certaines caractéristiques obtiennent de moins bons résultats, finira par créer un sentiment d'iniquité, et une source supplémentaire de stress et de démotivation… Cela pourrait en effet conduire à de moins bons résultats, on peut parler de prophéties autoréalisatrices dans ce cas.

 

En ce qui concerne l'aspect biologique de ce qu'on appelle « les émotions » (peur, colère, tristesse, joie…), on peut ajouter qu'elles sembleraient être le résultat de réponses déclenchées par le cerveau pour anticiper ou aider à faire face à une situation. Ces réponses seraient spécifiques à un individu en fonction de ses expériences personnelles passées, et elles seraient responsables de ces « sensations » négatives ou positives, d'intensité variable, que sont les émotions.

[20] Fabrice de Boni et Axel Lattuada, Et tout le monde s'en fout #3 - Les émotions

https://youtu.be/_DakEvdZWLk (vidéo, durée 3:42, en français)

[21] Alan Watkins, Pourquoi vous ressentez ce que vous ressentez

https://youtu.be/h-rRgpPbR5w (vidéo, durée 20:18, en anglais avec sous-titres en français)

 

L’être humain naît avec la capacité d'acquérir et de développer toutes sortes de compétences, linguistiques, scientifiques, artistiques, etc.

On sait par exemple qu'un enfant est capable d'apprendre plusieurs langues, du français au japonais, en s'exposant simplement à un environnement où elles sont parlées ; en Belgique par exemple, un enfant scolarisé dans un établissement anglophone, qui s’adresse à son père en néerlandais et à sa mère en français, développera naturellement des réseaux neuronaux pour l’apprentissage de la prononciation, du vocabulaire et de la grammaire de trois idiomes.

Le temps qui passe donne une structure plus mature au cerveau, et réduit progressivement ce potentiel exceptionnel de départ. Il permet en contrepartie de développer des fonctions cognitives plus avancées, comme la capacité de raisonnement et de synthèse.

Les expériences personnelles cumulées font aussi que, tout au long de la vie, les capacités d'apprentissage sont en permanence affaiblies ou renforcées en fonction des activités.

 

Le potentiel de développement intellectuel semble indéterminé à la naissance, et évolue selon le parcours individuel. Celui-ci peut progressivement renforcer l'un ou l'autre extrême, du potentiel néfaste d'un individu devenu insensible et destructeur à cause d'un milieu extrêmement négligent ou d’événements traumatisants… au potentiel bénéfique d'un individu créatif et humaniste qui a eu l'opportunité de développer ce qu'il y a de meilleur dans la nature humaine.

 

C’est à l’ensemble de la société d’améliorer son environnement afin de permettre à chaque citoyen de mieux faire face aux difficultés personnelles, et d’avoir la possibilité de s’épanouir dans un milieu durable.


2.2.3. Le renforcement de l'esprit critique

Pour relever des défis sociétaux de toutes sortes qui se présentent à nous, il semble indispensable de renforcer notre capacité à nous remettre en question, et à vérifier la fiabilité des informations auxquelles nous sommes confrontés au quotidien. Aiguiser notre esprit critique est en effet primordial et devrait être encouragé dans tous les contextes, à l'image des cours d'éducation aux médias déjà donnés dans certaines écoles. Ces cours visent notamment :

– à évaluer la crédibilité de diverses sources d’information, telles que des sites Internet, des émissions télévisées, des lobbys, des blogueurs, des écrivains, des journalistes et des chercheurs ;

– à estimer et à comparer le degré de fiabilité d’informations trouvées sur Internet, dans la presse papier, dans des magazines et des livres… ;

– à analyser des différences de points de vue sur un sujet donné, afin d'en déterminer la pertinence et d’en comprendre les possibles origines et objectifs (défendre des intérêts privés, faire de l’audience, fidéliser un certain public, informer de manière impartiale…).

 

Comme cas d'étude intéressants, citons :

– les fausses recherches scientifiques financées par des fabricants de cigarettes, par le passé, pour masquer la toxicité de leurs produits ;

– les campagnes de désinformation produites par des groupes miniers et industriels pour minimiser l’impact néfaste de leurs activités sur l’environnement et sur la santé publique ;

– la propagande de guerre islamophobe diffusée par le commandement de l’armée, afin de détourner des fonds publics et d’endoctriner de nouvelles recrues naïves pour le lancement de guerres sans fin irréfléchies (des guerres qui visent à installer « des dictatures faussement amicales » dans des territoires étrangers, et qui tendent à se retourner contre nous à présent) ;

– et récemment, dans certains médias de nos voisins français, la diabolisation de la mobilisation des « gilets jaunes », qui se focalisait sur les méfaits de quelques perturbateurs pour faire de l’audience et dénigrer un mouvement aux revendications sociales compréhensibles.

 

Dans le lien suivant, Christophe Michel – conférencier et animateur de la chaîne YouTube « Hygiène mentale » qui traite de la pensée critique – explique la nécessité de programmer des cours d’éducation aux médias dans l’enseignement pour combattre la désinformation :

[22] Christophe Michel, La désinformation et l’éducation aux médias

https://youtu.be/ppU_XuaDUaQ (vidéo, durée 14:04, en français)

 

Par ailleurs, de nombreux professionnels enseignant déjà la pensée critique ont élaboré des programmes pédagogiques détaillés (souvent disponibles gratuitement) ; parmi ces avant-gardistes figure Yaël Nazé, astrophysicienne et professeure à l’Université de Liège.

 

 

Pour mieux comprendre l'environnement dans lequel on évolue, il devient essentiel de développer l'esprit critique. C’est en particulier le cas aujourd’hui face aux diverses informations, plus ou moins utiles et fiables, auxquelles nous sommes exposés. Cela passe par exemple par plus d'intérêt pour les travaux qui ont permis de découvrir qu’on fait appel à des biais cognitifs, aussi appelés « faiblesses cognitives ». Il est plus qu'intéressant d’en prendre conscience pour mieux comprendre les erreurs du passé, et prendre de meilleures décisions en phase avec les valeurs personnelles.

Ce sont des sortes de raccourcis intellectuels qu'on utilise inconsciemment. Ils permettent de limiter le temps de réflexion pour pouvoir prendre plus rapidement des décisions qui semblent urgentes ou simples. Ils peuvent parfois mener à des impasses ou à des aberrations. Celles-ci sont par exemple exploitées par des pratiques abusives de marketing qui poussent à la (sur)consommation de tout et n'importe quoi ; comme le tabac, les réseaux sociaux numériques, ou encore la désinformation à des fins commerciales ou de propagande politique et militaire.

[23] Olivier Sibony, Comment éviter les biais cognitifs ?

https://youtu.be/FZJwRRsmeyY (vidéo, durée 14:48, en français)

[24] Chaîne YouTube Practical psychology, Comment penser d'une façon plus logique, en évitant les biais cognitifs ?

https://youtu.be/wEwGBIr_RIw (vidéo, durée 10:08, en anglais avec sous-titres en anglais)

 

Comme exemples, on peut citer l’ancrage, le biais de confirmation, l’excès de confiance, la dissonance cognitive, la pensée de groupe, et l’obéissance aveugle à toute forme d'autorité, réelle ou supposée, qui peuvent être brièvement expliqués ci-dessous.

 

– « L'ancrage » est la tendance à être influencé de façon déterminante par les premières informations reçues sur un sujet, même si ces informations sont exagérées ou absurdes.

 

– « Le biais de confirmation » pousse inconsciemment à tenir compte de toute information qui peut conforter les premières opinions, tout en évitant volontairement d'en évaluer la pertinence.

 

– « La dissonance cognitive » est ce qui pousse à se convaincre d'aberrations afin de contourner une certaine gêne morale ou intellectuelle.

 

– « La pensée de groupe » (qui devrait plutôt être appelée « la non-pensée de groupe ») est un phénomène interpersonnel qui produit de faux consensus irrationnels. Il pousse à des suppositions erronées qui conduisent les individus d'un groupe à ignorer leurs propres opinions et à prendre des décisions contraires à leurs valeurs, à leurs intérêts, et aux objectifs individuels et collectifs.

 

– « L’excès de confiance » est ce qui peut entraîner un enchaînement de décisions désastreuses par peur d'accepter que les suppositions de départ aient été absurdes. C’est ce qui a par exemple poussé certains responsables des services de sécurité de pays développés à poursuivre les interventions chaotiques en Afghanistan et en Irak par peur de devoir rendre des comptes, et à armer des dictatures instables jusqu’aux portes de l’Europe pour tenter de conserver quelques intérêts précaires ; même si ces actions n’ont fait que détériorer le contexte économique et sécuritaire international, et ont favorisé la formation d’organisations criminelles.

 

– « L'obéissance aveugle à l'autorité » est ce qui peut faire croire à tort qu’une personne n’est pas responsable des dégâts physiques ou psychologiques consécutifs à ce qui lui a été demandé, ou a été autorisé, par une figure d’autorité réelle ou supposée. Cette obéissance aveugle peut se présenter dans le cadre coercitif d'une entreprise ou d'un service de sécurité, comme les travaux des chercheurs Stanley Milgram (critiqué par certains psychologues tels qu’Alex Haslam) et Philip Zimbardo l'ont mis en évidence.

Il n'est pas nécessaire d'insister longuement sur le fait que tout le monde est moralement et légalement responsable de ses agissements, dans tous les cas, même si un responsable d'entreprise ou une figure d'autorité quelconque pousse, encourage ou autorise à commettre des abus.

Dans un contexte de grand stress sociétal, causé par exemple par une instabilité économique et une pauvreté généralisée qui se prolongent sur plusieurs années, l'obéissance aveugle peut conduire de simples citoyens à commettre des atrocités à grande échelle, à l'image des désastres humains qui ont eu lieu en Europe et en Afrique au cours du XXe siècle.

Les anciens régimes autoritaires d'Europe de l'Est et de l'Union soviétique avaient aussi utilisé cette obéissance aveugle pour encourager la délation de toute activité ou idée « potentiellement dérangeante », et pour pousser des civils à surveiller leurs voisins, leurs collègues ou des inconnus dans les espaces publics.

En Belgique, d'une façon alarmante, certains membres des services de sécurité ont développé des pratiques similaires en manipulant des civils, cyniques ou naïfs, pour surveiller de façon intrusive, voire harceler, leurs concitoyens. En prétextant devoir répondre à une menace sécuritaire furtive, ils chercheraient à mettre en place une forme d'État policier instable basé sur des pratiques qui, en ce qui concerne la sécurité, se sont déjà montrées complètement inutiles par le passé (sans parler de leur illégalité et de leur dangerosité pour l’ensemble de la société).

Les manipulations et la surveillance invasive de la population n’ont d’ailleurs pas empêché l’effondrement d’anciens régimes répressifs sur notre continent. Ces méthodes abjectes n’ont fait qu’accentuer leurs incohérences. De plus, elles sont à l’origine de troubles psychologiques aux conséquences tragiques. Elles peuvent notamment causer des comportements violents imprévisibles à l’égard de représentants des forces de l’ordre et de citoyens lambda.

Plus généralement, il semble incontestable que des pratiques opaques qui mettent à mal la sécurité nationale et l’intégrité de l'État de droit ne peuvent rien apporter à notre société, si ce n’est plus d’instabilité ; d’où la nécessité de faire la lumière sur ces dérives totalitaires, et d’y mettre un terme au plus vite.

[25] Chaîne YouTube OTB - Outside the box, Le top 5 des études de psychologie sociale qui vous feront requestionner les choses

https://youtu.be/pkM9MYiARM8  (vidéo, durée 12:39, en français)

Parmi les exemples liés à l'ancrage et au biais de confirmation, mentionnons les préjugés basés sur la langue nationale parlée. Les clichés et discours réducteurs sur les néerlandophones et les francophones sont courants. Ils sont renforcés par des pseudo-journalistes des deux côtés, qui en profitent parfois pour jeter de l'huile sur le feu et ainsi plaire à une certaine audience… Il semble évident que le fait de parler une langue n'influence pas, négativement ou positivement, des caractéristiques personnelles comme l'ouverture d'esprit, les capacités intellectuelles, l'esprit entrepreneurial, les talents individuels, la générosité, et le sérieux.

Ce qui est surprenant en ce qui concerne ces préjugés basés sur la langue, c'est qu'il y a une cinquantaine d’années, à l'époque où la région francophone était plus prospère que la région néerlandophone, la plupart d’entre eux étaient inversés. Il est clair que si une région connaît temporairement plus de difficultés qu'une autre, ce n'est pas parce qu'on y parle une certaine langue ou à cause de spécificités culturelles, mais bien parce qu’elle a eu à un moment donné plus de difficultés à s'adapter à des changements économiques mondiaux. C'était le cas de la région francophone dans les années 1960 et 1970, en particulier à cause d'une forte dépendance à des industries en déclin, le charbonnage et la sidérurgie.

Comme autre exemple lié à ces mêmes biais cognitifs, on peut citer les préjugés selon lesquels les femmes auraient de moins bons résultats dans les domaines scientifiques que les hommes. Il y a moins d'une centaine d'années, ces absurdités étaient encore perçues comme des vérités incontestables. De nos jours, il y a suffisamment de femmes diplômées dans les domaines scientifiques les plus avancés pour constater que c'est avant tout l'environnement d'apprentissage, l'encadrement et les possibilités de développement intellectuel qui font qu'un individu excelle dans un domaine particulier ; quels que soient son genre, sa langue maternelle, la couleur de sa peau, de ses cheveux et de ses yeux.

 

Il serait utile de remettre en question tous les préjugés qui encouragent les discours provocateurs et les comportements discriminatoires. Cette remise en question concerne les préjugés avec lesquels on peut avoir grandi, qu'ils soient basés sur des différences linguistiques, ethniques, religieuses, philosophiques, politiques, ou qu'ils visent des représentants de la fonction publique, comme les élus politiques ou encore les membres de services de sécurité. Aujourd'hui, des changements majeurs sont en cours avec une mondialisation accélérée et l'arrivée de technologies disruptives telles que les nouvelles sources d'énergie propre, l'intelligence artificielle, l'impression en trois dimensions et la nanorobotique. L'une des priorités actuelles semble être de chercher à dépasser les barrières créées par certains préjugés pour pouvoir aller de l'avant et se préparer au mieux face aux changements sociétaux.

 

Tout être humain peut tomber dans le piège des biais cognitifs. Cela touche aussi bien les enfants en bas âge, que les responsables de service de sécurité et les représentants de gouvernements.

Il est intéressant de souligner que ces biais sont renforcés dans une situation de fatigue ou de stress. Il semble aussi qu’ils soient liés à des fonctions intellectuelles « primaires » qui se seraient développées en accumulant des automatismes de nature biologique, au cours de milliers d'années de survie en milieu hostile. Dans un tel environnement, la survie au quotidien est dépendante de la capacité à prendre des décisions simples sur base d’expériences passées, transmises ou vécues, dans des conditions comparables ; la couleur, la forme et l’odeur de plantes donnent des indices sur leur dangerosité ou leur qualité, il en est de même pour les comportements animaux offensifs ou inoffensifs, et les interactions humaines hostiles ou amicales.

La plupart des décisions prises aujourd'hui sont plus complexes et nécessitent de mieux comprendre les faiblesses des mécanismes cognitifs, afin d’éviter toutes sortes d’illogismes et de jugements erronés aux conséquences désastreuses.

 

Quelle que soit l'origine des biais cognitifs, il semble primordial de s'y intéresser dans le but d'améliorer les prises de décisions. S’intéresser à leurs causes et à leurs conséquences permettrait en particulier de mieux appréhender les difficultés rencontrées, et de prendre de meilleures décisions personnelles, professionnelles et sociétales.

 

Le cerveau humain tend à simplifier la réalité, en faisant par exemple appel à des raccourcis intellectuels, mais il possède aussi des facultés avancées qui lui permettent de prendre conscience des raisonnements irrationnels et de les rectifier.

 

 

 

Pour conclure ce passage sur le développement de l’esprit critique, il serait opportun de porter notre attention sur la question : « Que peut-on vraiment connaître du monde ? ».

De tout temps, des penseurs issus d’horizons divers se sont penchés sur cette interrogation. Il n’est pas possible de résumer ici les encyclopédies qui traitent de ce sujet, aussi mystérieux que fascinant. Il est néanmoins pertinent d’illustrer l’un des débuts de réponses apportés à cette question épistémologique, en s’intéressant aux différentes catégories de connaissances du monde que l’intelligence humaine peut produire.

 

Les points qui suivent s’inspirent principalement de concepts repris :

- par l’épistémologue et philosophe autrichien Karl Raimund Popper dans son essai « La société ouverte et ses ennemies » (« The Open Society and Its Ennemies », publié à Londres en 1945) ;

- et par le philosophe des Lumières Emmanuel Kant dans son œuvre monumentale « Critique de la raison pratique » (« Kritik der praktischen Vernunft », publiée à Riga en 1788).


Les connaissances humaines pourraient être classifiées en trois catégories.

 

1. Prenons pour commencer les « connaissances sensorielles », qui sont basées sur une perception superficielle du monde, à l’aide des sens :

Dans cette première catégorie, on retrouve les observations de nos sens (les couleurs et les formes que nous percevons grâce à notre vue, les odeurs que nous sentons grâce à notre odorat, les sons que nous entendons grâce à notre ouïe…), mais aussi les autres sensations, désagréables et agréables, que notre corps biologique perçoit (telles que la faim et la satiété).

Il est important de noter que nos perceptions sensorielles peuvent être faussées, en outre en cas d’épuisement, ou encore dans le cas d’illusions d’optique ; donnons ici l’exemple connu d’une rame partiellement plongée dans l’eau et qui semble à tort être brisée, cette illusion est causée par la réfraction de la lumière (à la surface d’un milieu aquatique plus dense que le milieu aérien).

Ce genre d’inconvénients concerne aussi les dispositifs techniques – tels que les microscopes, les télescopes, et les ordinateurs – qui permettent d’aller plus loin dans l’observation du monde.

Ces dispositifs sont en effet aussi imparfaits, à cause d’inévitables défauts de conception et de fonctionnement.

 

2. Viennent ensuite les « connaissances empiriques », qui sont basées sur une perception rationnelle du monde, à l’aide de l’entendement :

D’une part, ces connaissances naissent du développement de concepts à partir d’observations ou d’expérimentations répétées de phénomènes.

D’autre part, elles peuvent évoluer grâce à une critique libre, ouverte à tous, et permanente – aussi bien de leurs fondements que de leurs conclusions – qui permet de les améliorer et de se diriger vers une meilleure compréhension du monde.

C’est à ce deuxième niveau de connaissances que l'on nomme les entités matérielles et immatérielles perçues à l’aide de nos sens, qu’on les assemble, qu’on les classifie, et qu’on leur attribue des propriétés (les couleurs, les formes, les goûts, les textures, les organisations… mais aussi les sensations qu’elles nous inspirent selon nos expériences).

Par ailleurs, on retrouve dans cette catégorie les savoirs issus de la méthode scientifique, qui prennent la forme de « théories scientifiques » dans des domaines tels que la physique, la biologie et la psychologie. Ils permettent d’appréhender certains aspects complexes de la réalité, et d’en découvrir des applications concrètes. Ces savoirs sont aussi continuellement éprouvés par une remise en question ouverte afin d’être complétés, voire remplacés. C’est notamment le cas de la théorie de la gravitation conçue par Isaac Newton au XVIIe siècle, qui laissa la place à la théorie plus aboutie de la relativité générale, développée par Albert Einstein au XXe siècle.

 

3. Aux connaissances précédentes s’ajoutent finalement les « connaissances dogmatiques », qui se basent sur une perception transcendante du monde, à l’aide de représentations abstraites ou idéalistes :

Elles résultent de notre tendance à chercher une direction à suivre pour donner du sens à notre vie, mais aussi au monde qui nous entoure, à ce qui nous dépasse, à ce qui va au-delà des connaissances sensorielles et empiriques disponibles.

Dans cette troisième catégorie s’inscrivent les rites superstitieux, les préjugés de toutes sortes, ainsi que « les idéologies » (politiques, religieuses ou philosophiques). Ces dernières se basent sur des concepts plus ou moins abstraits. Leurs principes sont généralement définis de manière théorique, et ils laissent la place à un nombre infini de variantes et de combinaisons dans la pratique ; à l’image de certains représentants qui avancent de vagues « croyances politiques » durant les élections, et qui prennent des mesures parfois illisibles et contradictoires lorsqu’ils tentent de les mettre en pratique.

Les connaissances dogmatiques ouvrent la porte à un large éventail d’interprétations. Elles peuvent être exploitées, pour le pire ou le meilleur, en fonction du vécu, de la situation, et des intentions des individus qui les interprètent.

Pour premier exemple, prenons les principes égalitaristes et communistes du philosophe allemand Karl Marx, du XIXe siècle. Ils se fondaient sur la dénonciation, à juste titre, des dérives des débuts de la révolution industrielle, et de l’exploitation abjecte des premières classes ouvrières.
À partir de nobles principes et de constats réels, il développa une idéologie quasi prophétique, justifiant dans certains cas la violence de classe pour réparer les injustices sociales. Cette idéologie fut cependant détournée par des criminels qui instaurèrent des dictatures entièrement corrompues, et qui s’attaquèrent à leurs concitoyens pour s’accrocher au pouvoir.

Comme second exemple, prenons les principes de dignité humaine, de démocratie et de liberté pour tous les citoyens (hommes et femmes, de condition modeste ou aisée). Ils ont été ardemment défendus par les penseurs humanistes, tels que le philosophe anglais John Stuart Mill dans son ouvrage « De la liberté » (« On Liberty », publié à Londres en 1858).
D’un côté, ces principes honorables ont encouragé le respect des libertés individuelles, la pensée critique face aux autorités publiques, et l’établissement de gouvernements démocratiques représentatifs de la population. Ces principes humanistes ont favorisé l’émergence de nouvelles solutions constructives face aux défis sociétaux. Ils ont entre autres permis des progrès considérables tels que l’accès gratuit à l’enseignement, depuis 1914 en Belgique, et le droit de vote accordé aux femmes vers le milieu du XX
e siècle.
D’un autre côté, ils furent détournés pour justifier des interventions militaires chaotiques de pays développés dans des pays moins prospères. Pour illustrer ce point, citons les mensonges les plus ridicules, tels que la recherche d'armes de destruction massive imaginaires en Irak, ainsi que la propagande de guerre basée sur les pires préjugés haineux d’ordre religieux. De telles absurdités sont encore diffusées dans nos médias par des traîtres et des « terroristes pseudo-démocratiques » présents dans nos propres services de renseignement et dans notre armée. Par ailleurs, ces individus sans scrupules profitent du manque de contrôle transparent de leurs activités pour détourner toujours davantage de fonds publics, afin de financer leur addiction écœurante aux guerres sans fin, à la manipulation et au crime. Ils vont aussi jusqu’à prétendre « exporter les droits de l’homme » alors qu’ils multiplient les massacres de civils, et qu’ils arment des malfaiteurs dans des pays étrangers. Ainsi, ils essayent vainement d’y installer des régimes despotiques, et créent un désastre qui se retourne contre notre sécurité, contre nos valeurs, et contre nos intérêts ; comme c’est le cas en ce qui concerne les dictatures instables mises en place en Irak, en Afghanistan et en Libye, ces dernières années.

Les deux exemples d'idéologies cités nous montrent en particulier qu’il ne faudrait absolument jamais se fier aux flatteries de manipulateur, aux belles paroles dogmatiques, et encore moins à « l’étiquette idéologique » que certains individus se collent sur le front pour tenter de justifier des abus et crimes. Il faudrait plutôt se baser à la fois sur « les véritables intentions », sur « les faits », et sur « la transparence offerte » pour porter un jugement sur des agissements quelconques.

 

 

Pour en revenir aux connaissances de manière générale, il est évident qu’indépendamment du nom qui leur est donné, de leur nature, et de leur classification théorique (telle celle brièvement décrite plus haut), elles découlent de perceptions limitées qui nous offrent un fragment d’image de la réalité.

Ce sont des outils immatériels qui, en quelque sorte, nous aident « à naviguer » dans ce monde.
Ils peuvent avoir un impact aussi bien négatif que positif sur notre quotidien, selon leur utilisation.
Ils ne portent généralement pas le mal ou le bien en eux. Ils dépendent avant toute chose du degré de transparence, du contexte, et des réelles motivations des personnes qui en font usage.

Aussi, ces outils ne sont pas immuables, mais changeants. Ils peuvent d’ailleurs être continuellement améliorés à l’aide d’une critique libre, ouverte à tous, et permanente...

Dans ce sens, l’éminent philosophe Emmanuel Kant semble avoir résumé l’essentiel dans la devise des Lumières suivante :

« Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! » [8]

[8] Emmanuel Kant, Berlinische Monatsschrift (décembre 1784), Article « Réponse à la question : Qu’est-ce que les Lumières ? »



2.2.4. La curiosité « utile »

Une autre priorité actuelle est la formation de citoyens qui s’interrogent sur le monde, qui possèdent les connaissances et compétences pour s’adapter plus aisément à de nouvelles situations tout au long de la vie, qui comprennent les principaux aspects de l’évolution des sociétés humaines (langue, consommation, organisation, services publics, entreprises privées, etc.), qui sont capables de remettre en question certains illogismes de notre société et, éventuellement, de proposer des solutions positives et de participer à leur élaboration.

 

De nos jours, de nombreux enfants sont encore surpris :

– de découvrir la provenance des aliments qu’ils consomment au quotidien ;

– d’apprendre que si on respire, si on boit et si on mange, c’est avant tout pour fournir au corps les particules dont il a besoin pour « fonctionner » ;

– ou encore, pour aborder brièvement quelques notions d’astronomie, de réaliser que tout semble faire partie d’un ensemble dynamique plus grand. Ainsi, même confortablement installé dans un canapé, on se déplace à plus de cent mille kilomètres par heure en accompagnant notre planète (notre vaisseau spatial naturel), « la Terre », qui effectue une rotation sur elle-même en un jour, et accomplit une révolution autour de notre étoile, « le Soleil », en un an. Cette étoile orbite, avec des milliards d’autres astres, autour du centre de notre galaxie, « la Voie lactée », qui se déplace à son tour vers le cœur de notre superamas de galaxies, « Laniakea », et qui n’est qu’un élément d’un réseau plus vaste en mouvement…

[26] Site d’information Futura, À quelle vitesse se déplace la Terre dans l’espace ?

https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/astronomie-vitesse-deplace-terre-espace-8624/ (texte, en français)

 

On devrait plus solliciter la curiosité utile, par exemple, en prenant conscience que rien ne semble sans cause dans ce monde, celles-ci pouvant être multiples et complexes.

Le Soleil se serait par exemple formé en accumulant des atomes environnants sous l’effet de la gravité, avant de s’enflammer suite à la pression croissante.

Comme autre exemple, plus terre à terre cette fois, citons l’organisation du travail en cinq jours par semaine, et huit heures par jour. Cette organisation a été popularisée par l’industriel Henry Ford au début du XXe siècle. Elle visait à offrir plus de temps de loisir aux ouvriers afin d’accroître la consommation, et de stimuler l’économie.

Pour citer un dernier exemple du quotidien, prenons la disposition des lettres sur les claviers azerty adaptés à la langue française (et sur les claviers qwerty adaptés à la langue anglaise). Cette disposition particulière, différente de celle de l’alphabet, a été développée vers la fin du XIXe siècle pour les machines à écrire. Elle permettait de limiter les risques de blocage entre tiges métalliques de touches voisines. Aujourd’hui, les contraintes techniques liées à l’utilisation de machines à écrire ne sont plus d’actualité. D’autres dispositions plus pratiques, comme celle du clavier bépo, offrent des améliorations notables en ce qui concerne la vitesse d’écriture et l’ergonomie.

 

Aussi, pour permettre aux étudiants de mieux comprendre la société qui leur sera léguée, il serait utile d’encourager les établissements d’enseignement à inviter plus régulièrement des acteurs de la vie publique, tels que des élus politiques locaux, des associations à but non lucratif, et des entreprises privées. Des séances d’information facultatives, organisées une fois par semaine sur le temps de midi par exemple, faciliteraient ce genre d’interactions et inciteraient les apprenants à s’intéresser davantage aux différents aspects de l’organisation de la société.

Les intervenants pourraient aussi profiter de ces interactions pour proposer des stages, de quelques jours à plusieurs mois, pendant les week-ends et les vacances scolaires afin de faire découvrir leurs métiers et de partager leurs expériences.



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Deuxième passage

 

3.2.1. Les préjugés liés aux différences linguistiques

Il est évident que les parcours personnels font les individus et déterminent leurs caractéristiques linguistiques, comportementales, intellectuelles… On entend parfois à tort que c'est la langue maternelle qui façonnerait tout cela. À l'heure de la mondialisation, il n'y a aucun doute sur le fait qu’un idiome en soi, ou ce qui est encore plus absurde, la nationalité, ou une couleur de peau ou de cheveux, ne joue qu'un rôle mineur dans les caractéristiques individuelles.

Plusieurs langues et lieux géographiques dans notre voisinage peuvent être observés pour illustrer cette réalité.

Il suffit de jeter un coup d’œil en Flandre pour se rendre compte que la population néerlandophone est très diverse, que ce soit sur le plan des talents, des personnalités ou des idées. Parmi les néerlandophones, il y a aussi bien des indépendantistes violents encore prisonniers des blessures du passé… que des citoyens du monde et des altermondialistes idéalistes.

Nos voisins allemands germanophones sont un autre exemple de cette diversité. Parmi eux se trouvent aussi bien des néonazis égarés par certaines théories raciales et une histoire récente complexe… que des pacifistes, des philosophes et des scientifiques qui œuvrent quotidiennement pour un monde meilleur.

De même, en ce qui concerne les francophones de France, on trouve aussi bien d'anciens collaborateurs nazis et des nationalistes qui glorifient la désastreuse période coloniale (en considérant les massacres et pillages commis sur tous les continents comme des détails sans importance)… que des philanthropes qui s'investissent dans des projets de développement socio-économique à travers le monde, ainsi que des intellectuels humanistes de renommée mondiale, à l'image du très populaire Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire, moine bouddhiste, traducteur et écrivain.

Comme exemple plus général, on peut citer deux entrepreneurs passionnés par les voyages et par les nouvelles technologies, qui vivent au centre de deux métropoles internationales dynamiques situées à des milliers de kilomètres l'une de l'autre. Ils auront certainement plus de traits en commun et d'intérêts partagés qu'avec un proche parent plutôt intéressé par l'agriculture et un style de vie en milieu rural, qui ne verrait pas l'intérêt qu’on peut trouver dans des gadgets temporairement à la mode. La situation inverse semble aussi évidente.

La langue maternelle présente une certaine importance, mais il semble clair que ce sont avant tout les valeurs humaines et les expériences personnelles cumulées qui, à un moment donné, façonnent les individus et déterminent leurs caractéristiques.

 

Il est aussi important de préciser que les milliers d’idiomes utilisés dans le monde ne sont pas des rochers immuables tombés du ciel dans des temps anciens. Pour donner une image simplifiée, on pourrait parler d'ensembles de sons, et/ou de signes dans certains cas, qui ont évolué au fil du temps et qui sont échangés pour communiquer des pensées (cette communication n’est pas parfaite et peut être à l’origine de malentendus).

Ces ensembles de sons se basent principalement sur :

– un vocabulaire constitué de « mots » qui sont associés à des personnes, des actions, des éléments matériels ou immatériels, etc. ;

– une grammaire constituée de « règles d'assemblage de mots », comme leur place dans une phrase ou encore les déclinaisons, qui permettent d'offrir plus de clarté et de formuler des idées plus complexes ;

– des variantes et accents locaux, des expressions, des références culturelles et, parfois, des nuances descriptives particulières qui viennent enrichir le tout.

 

Aussi, les idiomes ne sont pas figés. Ils naissent et continuent d'évoluer. Des mots sont ainsi régulièrement abandonnés, tandis que d'autres sont inventés, importés, ou modifiés au niveau de la prononciation ou de la signification. Les trois termes suivants sont des exemples qui ont traversé les siècles et les continents.

– Barbare :

Ce terme viendrait du mot barbaros « βάρβαρος » qui était utilisé par les hellénophones de l’Antiquité pour désigner les peuples dont la langue était incompréhensible et ressemblait au babil barbarbar, équivalent à blablabla en français.

Les Romains importèrent ce terme dans la langue latine en y ajoutant une connotation d’infériorité. Ils l’utilisèrent entre autres pour désigner et dénigrer les populations installées autour de l’Empire romain, comme les peuples germaniques qui occupaient le territoire actuel de l’Allemagne et ses environs ; depuis plusieurs siècles, les habitants de cette région possèdent l’un des meilleurs niveaux de formation du continent et c’est notamment dû à leur localisation centrale, au carrefour des échanges commerciaux et intellectuels (les premiers, les Romains, ont fini par devenir derniers… alors que les derniers, les Germains, sont devenus premiers…).

De nos jours, le terme « barbare » est utilisé pour faire référence à la brutalité, à l’incivisme ou à la grossièreté.


– Gourou, qui s’écrit aussi guru :

Le terme sanscrit gourou « गुरु » est composé du mot gou qui est associé à « l’obscurité », et du mot rou qui peut être traduit par « lumière » ou par « retirer ». Il était utilisé pour désigner un guide spirituel ou un enseignant.

En français, ce mot a été emprunté pour faire référence au responsable d’une secte, à un maître à penser, ou encore à un expert dans un domaine particulier comme l’informatique.

 

– Algorithme :

Ce terme est dérivé du nom du mathématicien et astronome bagdadien Al Khwarizmi « الخوارزمي », du IXe siècle, connu pour ses travaux sur l’algorithmique.

Le mot « algorithme » désigne une suite d’instructions (en mathématiques, en programmation…) qui permet de résoudre un problème ou de remplir une fonction.

 

 

Les idiomes s'adaptent à travers le temps et les régions, et en fonction des locuteurs. Ce point explique les différents accents et patois qui ont été influencés par des apports locaux. Ils peuvent évoluer indépendamment les uns des autres pendant plusieurs siècles jusqu'à développer leurs propres prononciation, vocabulaire, et grammaire. C'est par exemple le cas des variantes régionales du latin de l'Antiquité, latinum vulgare ou latin du peuple, qui ont donné naissance aux langues romanes contemporaines telles que l'italien, le roumain, le corse, le catalan, l'espagnol, le portugais, le wallon et le français.

À côté de la langue parlée, il faut citer l'écriture qui se base sur un ensemble de symboles (des lettres, des signes de ponctuation, des pictogrammes dans certains cas…) et sur des règles d'assemblage, comme le sens de l'écriture et l'orthographe. La langue écrite évolue, et pas toujours de la même manière que la langue parlée, ce point expliquant la plupart des différences qui existent entre elles. C'est ainsi qu'en français, on retrouve des « lettres muettes » et des sons qui s’écrivent de différentes façons dans certains mots ; qui étaient prononcés d’une autre façon par le passé, ou qui ont été empruntés à d'autres idiomes.

Les différences entre les langues parlée et écrite sont courantes dans le monde, et des réformes sont régulièrement proposées pour les rapprocher, pour les simplifier, ainsi que pour revoir la prononciation, le vocabulaire, et les règles de grammaire et d’écriture « standard », en tenant compte des nouveaux usages. L’enseignement et les médias relayent ensuite ces réformes au sein de la population.

 


Il est possible d’illustrer brièvement cette évolution linguistique à l'aide des quelques exemples suivants.


– Le français :

Contrairement à certaines croyances, les tribus celtes gauloises, qui s'étaient installées dans une partie du territoire actuel de la France il y a plus de deux mille ans, n'ont eu qu'une influence mineure sur la langue française. Cela s'explique entre autres par le fait que l'écriture n'était pas courante chez ces peuples.

Ensuite, les conquêtes de cette contrée par Rome, au cours du Ier siècle avant notre ère, et par les tribus germaniques, quelques centaines d’années plus tard, ont effacé quasi toute trace de la présence celte. La langue française ne semble donc pas être d'origine celte, mais elle a des fondements latins enrichis de mots importés du grec, en particulier dans les domaines scientifiques. Le français a aussi été influencé par les langues germaniques et l'arabe au Moyen Âge, et par l'anglais au cours du XXe siècle ; il est intéressant d’ajouter ici que ces idiomes avaient, eux aussi, été influencés par des apports d'autres communautés linguistiques, et que leur utilisation s'est répandue à la suite de conquêtes, d'alliances et d’échanges.

Les mots « français » et « France » ont, quant à eux, une racine germanique. Ils sont dérivés du nom de tribus qui vivaient sur le territoire actuel de l’Allemagne et qui ont pris le contrôle d’une partie de l'Empire romain au Ve siècle, les Francs. Le nom « France » a d’ailleurs gardé son origine dans les langues germaniques où il peut être traduit littéralement par l’État ou le domaine des Francs (Frankreich en allemand, Frànkrich en alsacien, Frankrijk en néerlandais, Frankrike en suédois…).

Pour l'écriture, la langue française utilise une variante de l'alphabet latin, qui descend de l'alphabet grec, descendant à son tour de l'alphabet phénicien développé au Moyen-Orient il y a plus de trois mille ans.

 

– L’anglais :

Vers le Ier siècle de notre ère, l'Empire romain parvint à intégrer le territoire de l’Angleterre qui était occupé par des tribus celtes ; parmi ces peuples locaux figuraient les Bretons, Brittons, dont le nom a été utilisé pour nommer la Grande-Bretagne (et dont une partie se réfugia plus tard de l’autre côté de la Manche, dans ce qui allait devenir la Bretagne française). C’est à cette époque que le latin fut introduit pour la première fois au sein de la haute société.

Au cours du Ve siècle, l'effondrement de l'Empire romain fut suivi d'incursions de peuples germaniques en provenance des territoires actuels du Danemark et du Nord de l'Allemagne. Les principales tribus qui prirent part à ces offensives étaient les Jutes, les Saxons, et les Angles ; ces derniers donnèrent leur nom à la langue anglaise et à l'Angleterre, England en anglais, qui pourrait aussi être traduit par la terre des Angles. Ces peuples s’installèrent dans la région et un mélange de leurs idiomes s’imposa au sein de la population.

Au XIsiècle, la France envahit à son tour ce territoire et elle y importa des variantes du latin, alors utilisées par l'élite.

Quelques siècles plus tard, l'intérêt grandissant pour les sciences et l'art poussa les intellectuels anglais à importer de nouveaux mots du grec, du latin et de l'arabe.

Ce mélange complexe, fondé sur des idiomes germaniques avec des influences latines et grecques et, dans une moindre mesure, celtes et arabes, évolua pendant plusieurs siècles pour devenir l'anglais contemporain.

 

– L’espagnol et le portugais :

L'espagnol et le portugais sont deux variantes du latin qui se sont développées dans des régions distinctes de la péninsule ibérique (l’espagnol est aussi appelé « le castillan » en Espagne, en référence à la région de Castille d’où il provient). Ces variantes ont en particulier été influencées par les conquêtes germaniques et par plusieurs siècles de présence arabo-musulmane.
De nombreux lieux, cours d'eau et villes de cette péninsule portent d'ailleurs des noms d'origine arabe ; citons par exemple le rocher de Gibraltar, le fleuve de Guadalquivir et la ville d'Almeria.

 

– Le maltais :

Le maltais est une variante régionale de l'arabe parlée dans les îles maltaises. Il s'est principalement enrichi de mots provenant de l'italien, du fait de la proximité avec l'Italie, et de l'anglais, pendant la période d'administration britannique.

 

 

Plus généralement, on peut citer les groupes linguistiques qui sont issus de langues communes plus anciennes. Des variantes régionales se sont différenciées les unes des autres au fil des siècles, d’une part, à cause des distances qui séparaient les locuteurs et, d’autre part, sous l’influence d’idiomes locaux. Même si elles ont connu des évolutions distinctes, notamment en matière de prononciation et d’écriture, elles ont encore en commun des centaines de mots du quotidien, et certaines spécificités en ce qui concerne la grammaire :

– les langues romanes ; le français, le roumain et l’espagnol font partie des langues qui sont issues du latin parlé à travers l’Empire romain dans l’Antiquité, comme mentionné précédemment ;

– les langues germaniques ; le flamand, le néerlandais, le luxembourgeois, l’alsacien, l’allemand, le danois, le suédois, le norvégien et l’islandais sont dérivés d’une même langue qui était parlée dans le Nord et le centre de l’Europe plusieurs siècles avant notre ère ;

– les langues sémitiques ; l’araméen, l’arabe et l’hébreu sont nés d’une langue utilisée au Moyen-Orient il y a plus de deux mille cinq cents ans.

[52] Paul Jorgensen, À quel point les langues hébraïque et arabe sont-elles similaires ?

https://youtu.be/9YjRuTp-nD0 (vidéo, durée 10:37, en anglais avec sous-titres en anglais)

 

Ces quelques exemples mettent en évidence le fait que les langues ne sont pas figées et qu'elles ne sont pas inscrites dans l'ADN. C'est encore moins le cas des clichés que certaines personnes associent à leurs locuteurs.

 

Pour résumer, les langues utilisées à travers le monde semblent avant tout être :

– des connaissances, ou des outils immatériels, qui aident à communiquer oralement ou par écrit ;

– généralement basées sur des sons ;

– résultant d'une évolution souvent surprenante ;

– en constant changement.

 

 


3.2.2. Les préjugés liés aux origines et aux convictions

 

À côté des stéréotypes sur les francophones et les néerlandophones, il en existe d'autres qui emprisonnent un grand potentiel présent en Belgique, et qui détournent des vraies difficultés.

Ce sont par exemple les idées reçues basées sur le genre, l'âge, la situation personnelle et les origines, en particulier pour les Belges originaires d'Europe de l'Est, d’Afrique subsaharienne et d'Afrique du Nord.

 

Concernant cette dernière région, les préjugés sont souvent liés à des convictions religieuses salies par l’image extrêmement négative donnée dans les médias, ainsi que par la propagande de guerre diffusée par le commandement de l’armée. Cette campagne de désinformation officielle vise à justifier les crimes contre l’humanité qui sont commis dans des pays étrangers lors d’interventions irréfléchies, parmi lesquels :

– le bombardement de l’Irak pour la recherche d’armes de destruction massive imaginaires, et les opérations qui ciblent divers mouvements d’opposition sortis des ruines ;

– les deux décennies d’occupation de l’Afghanistan pour la mise en place d’une dictature entièrement corrompue qui ne tient pas, et qui a couté des milliers de milliards d’euros aux contribuables des pays impliqués (une situation chaotique notamment documentée dans les « Afghanistan Papers », publiés par The Washington Post) ; certains responsables militaires ont justifié cette guerre insensée en diabolisant la population locale, en grande partie illettrée et vivant depuis des siècles dans des villages montagnards reculés à l’Ouest de l’Himalaya – il est évident qu’on ne combat pas l’illettrisme et l’ignorance à l’aide de bombardiers et en répandant le sang, mais plutôt en investissant dans l’enseignement, en faisant preuve de patience, et en encourageant le respect et la compréhension.

 

 

Il semble indispensable de rectifier une image entachée par les pires amalgames et mensonges haineux répandus par des médias de masse.

 

 

Tout d'abord, il ne faudrait pas confondre Arabes et musulmans. En effet, les Arabes, ou arabophones, ne représentent qu'une minorité (moins du quart) parmi les musulmans dans le monde. On peut aussi ajouter que jusqu'au VIe siècle, le terme « arabe » était utilisé pour désigner quelques populations sémites et majoritairement polythéistes, présentes dans une partie du Moyen-Orient. De nos jours, ce terme est utilisé de façon plus générale pour désigner les populations du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord qui ont partiellement adopté des variantes de l'arabe au cours des siècles suivants ; des idiomes locaux plus anciens sont aussi utilisés dans plusieurs régions, c’est par exemple le cas des langues tamazight « ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ » au Maghreb.

 

Ensuite, il est utile de préciser qu'il y a approximativement un milliard et demi de personnes de culture ou de conviction musulmane à travers le monde. Ces personnes vivent principalement sur un territoire qui s’étend du Nord-Ouest de l’Afrique au Sud-Est de l’Asie. S'il y avait ne serait-ce qu'un pour cent de ce milliard et demi de personnes, une partie insignifiante, qui correspondait aux préjugés d’extrémisme et de terrorisme fanatique omniprésents dans les médias, cela ferait des siècles que la Terre ressemblerait à un cratère géant.

 

 

Il est évident que les criminels, quels qu'ils soient, semblent avant tout être des personnes traumatisées ou psychologiquement détruites. Ceux-ci peuvent chercher à justifier des actes violents en interprétant à leur façon des aspects de la première idéologie qui leur passe par la tête. Cependant, on se trouve encore dans une situation où les médias expliquent souvent les faits de manière extrêmement simplifiée en faisant référence à des préjugés répandus dans certains cas, ou alors ils le font de façon plus responsable sur base de causes socio-économiques. Le degré de sérieux des explications données dépend principalement, non pas de la situation, mais plutôt des origines, et des convictions réelles ou supposées des individus concernés.

D'un côté, lorsque des méfaits sont commis dans des pays à majorité musulmane aux mains de dictatures corrompues ou dans des situations de conflits prolongés, ces actions sont directement rattachées à la religion. Il en va de même pour les individus qui ont des « origines musulmanes », et ce rapprochement absurde est fait même si ces personnes ne sont pas particulièrement religieuses et qu'elles n'ont pas grandi dans un contexte religieux. En faisant référence à la religion, les médias concernés rattachent indirectement les crimes commis à l'ensemble des personnes qui ont un lien avec le culte en question. Dans ce cas-ci, plus d'un milliard et demi de personnes sont associées à ces situations alors qu'elles ne se sentent pas plus concernées que les autres, qu’elles ne les soutiennent évidemment pas, qu'elles vivent majoritairement dans la paix, et qu'elles ont suffisamment de préoccupations et de difficultés au quotidien, comme la plupart des êtres humains.

D'un autre côté, lorsqu'une atrocité est commise par une personne qui a des « origines » autres que musulmanes, des explications plus objectives et détaillées sont fournies pour essayer d'en comprendre les causes. Avons-nous par exemple déjà entendu dire que le meurtrier norvégien qui a pris la vie de dizaines de personnes il y a quelques années avait fait cela pour le bien du christianisme ou d'une couleur de peau, quand bien même il l'a revendiqué et répété ? Que les attaques perpétrées par d'anciennes organisations nationalistes de « culture catholique » dans des régions comme le Québec et l'Irlande du Nord étaient liées à certaines convictions chrétiennes, ou avaient pour cause des spécificités physiques ? Que les atrocités commises par des moines bouddhistes contre des populations minoritaires de Birmanie avaient des fondements dogmatiques ? Non, certainement pas. Quand bien même les criminels concernés l’auraient prétendu à maintes reprises, il aurait été complètement absurde de penser que leurs actes étaient liés à une origine ou à un courant religieux.

 

 

Parallèlement aux points précédents, il semble aussi intéressant de souligner l'importance des savoirs rassemblés, découverts et enrichis qui ont été transmis par les sociétés dites « arabo-musulmanes », plus précisément par les sociétés composées majoritairement d’arabophones musulmans, mais parlant aussi d'autres langues locales et incluant des minorités chrétiennes et juives.

 

Ces savoirs sont très divers et vont des mathématiques, avec les ouvrages sur l’algèbre (al jabr en arabe) et l’algorithmique du mathématicien Al Khwarizmi… aux travaux en philosophie de savants comme Al Kindi, Avicenne (Ibn Sina), et Averroès (Ibn Rochd) qui ont participé à la traduction, à l’enrichissement et à la transmission de l’héritage de la Grèce antique ; présent en partie dans des territoires qui se sont convertis à l’islam. Plusieurs chefs-d’œuvre de philosophes grecs, tels que Almageste de Ptolémée, avaient disparu d’Europe au début du Moyen Âge (à cause de la censure intellectuelle imposée par des régimes autoritaires et par l’Église), jusqu’à ce que leurs traductions en langue arabe ne fassent leur apparition sur le continent à travers l’Andalousie et la Sicile arabo-musulmanes.

 

Parmi les connaissances diffusées, mentionnons les chiffres dits arabes, qui sont basés sur un système de numération décimale indien. Ils ont été raffinés par des mathématiciens arabophones du Moyen-Orient avant d’être transmis à d’autres régions du monde via les échanges commerciaux et intellectuels.

 

De nombreux mots de la langue arabe, parfois eux-mêmes importés d'autres idiomes, ont aussi été transmis avec ces savoirs. Ce sont des mots que nous utilisons régulièrement tels que chiffre, algèbre, algorithme, alchimie, azur, sirop, café, carafe, sucre, abricot, jasmin, jupe, coton, magasin, girafe, gazelle, guitare, hasard ou encore élixir.

Contrairement au christianisme du Moyen Âge, l’islam en soi ne s’oppose pas aux sciences profanes. C’est tout le contraire, la religion musulmane encourage les croyants à se questionner sur la nature humaine, et sur la complexité du monde. La quête du savoir et le développement de connaissances bénéfiques aux êtres humains y sont même considérés comme des actes d’adoration.

Les savants de langue arabe ont par ailleurs rassemblé, étudié et développé les connaissances grecques et indiennes pendant les siècles difficiles qu'a connus une grande partie du continent européen de la chute de l'Empire romain jusqu’à la Renaissance :

[53] Mahmoud Hussein et Philippe Calderon, Lorsque le monde parlait arabe

https://youtu.be/ZGHA0FXyvHg (vidéo, durée 3:15:34, en français)

 

Les territoires à majorité arabophone qui se situent de l'autre côté de la Méditerranée ont excellé dans les domaines scientifiques et économiques, particulièrement entre le VIIIe et le XIIe siècle, avant d'entrer dans une longue période de déclin due à des facteurs divers tels que :

1. Les conflits entre dynasties régionales et entre différentes branches et sous-branches de la religion musulmane, comme pour le christianisme en Europe avec l'Inquisition et les guerres entre catholiques et protestants, et pour l’hindouisme en Asie avec les conflits entre certains de ses courants (toute idéologie religieuse ou areligieuse, y compris « la démocratie », peut être manipulée par des criminels en quête de pouvoir, ou par des individus violents qui prétendent détenir la vérité absolue) ;

2. Les invasions du début du deuxième millénaire, parmi lesquelles les vagues de croisades européennes et les conquêtes mongoles, qui ont mis fin à plusieurs siècles de prospérité et d’essor intellectuel ;

3. La faible densité de population, l'aridité de ces régions, et la pauvreté en ressources naturelles (à l'exception des ressources fossiles découvertes il y a quelques décennies) ;

4. Les situations instables laissées par les anciens pays coloniaux (France, Royaume-Uni, Italie et Espagne). Ces derniers sont sortis affaiblis de la seconde guerre mondiale, et ils ont fini par perdre le contrôle des colonies qu’ils exploitaient. Ces colonisateurs se sont retirés de façon précipitée en laissant derrière eux des territoires morcelés et faussement indépendants, sans tenir compte des populations concernées. Plusieurs de ces faux pays, aux frontières souvent « rectilignes », portent d'ailleurs des noms d'origine coloniale ; citons par exemple la Tunisie, qui porte un nom dérivé de sa capitale administrative Tunis ; l'Algérie, qui porte aussi un nom dérivé de sa capitale Alger ; le Maroc, qui porte un nom dérivé de la ville de Marrakech et qui, en arabe, est communément appelé le Maghreb, bien qu'il ne représente qu'une toute petite partie de cette région ;

5. La plupart des dictatures vacillantes et corrompues que les anciens pays coloniaux ont armées dans les années 1950 et 1960, dans le but de conserver des intérêts économiques précaires. Certaines de ces autocraties tentent de se cacher derrière une façade de stabilité pour masquer les détournements incontrôlables de fonds publics et les rivalités permanentes en coulisse ; à l’image de l’ancien « faux président » octogénaire algérien, « prétendument réélu » à plusieurs reprises avec des scores manipulés approchant les cent pour cent des voix (malgré une grave maladie l’empêchant d’être actif), qui se contentait de lire quelques discours préparés par des tiers, alors que les responsables du régime s’affrontaient derrière les rideaux ;

6. Les récentes interventions militaires étrangères qui ont déstabilisé une partie du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. Ces interventions faussement préventives étaient censées apporter plus de stabilité au bout de quelques mois, mais elles ont conduit à des conflits complexes qui se prolongent, s’étendent, et encouragent tous les extrêmes.

Cette liste n'est pas exhaustive, mais elle permet de comprendre que, même si les territoires concernés étaient majoritairement polythéistes ou chrétiens, les difficultés actuelles seraient similaires. Il en serait de même pour les criminels, que dictatures et conflits locaux ont fait naître et qui essayent de justifier leurs atrocités en exploitant la première idéologie disponible ; ici, religieuse, mais qui aurait très bien pu être raciale, politique ou économique comme cela a été le cas en Europe au cours du XXe siècle.

 

 

 

Il est important de prendre conscience que tout courant de pensée peut être manipulé par une minorité pour justifier des abus, voire des comportements violents, en particulier au cours de périodes d’instabilité économique ou sécuritaire.


Ce qui semble différencier une idéologie quelconque d'une tendance criminelle est la zone à partir de laquelle des individus innocents sont progressivement mis à l'écart, discriminés, ou traités de façon dégradante, à cause de préjugés et de généralités. Le rempart face à ces menaces semble être la défense sans condition des différents aspects de la dignité humaine.


Aussi, il semble évident qu’il ne faudrait pas s’attaquer à « l’étiquette idéologique » aberrante que des malfaiteurs se collent sur le front. Il faudrait plutôt juger ces individus qui sont personnellement responsables de leurs actions.

 

Comme exemples connus, citons les groupes minoritaires qui ont manipulé certains aspects :

– du christianisme avec notamment l'Inquisition et les conflits entre ses branches, comme en Irlande du Nord, où des mouvements politiques ont alimenté une guerre civile qui a déchiré les communautés catholique et protestante jusqu'à la fin du XXe siècle ;

– de l'islam avec certains mouvements criminels qui cherchent à nier les atrocités qu'ils commettent dans des situations de conflits locaux dévastateurs, ou face à des dictatures qui ne s’accrochent au pouvoir que par la violence aveugle et la corruption omniprésente ;

– du judaïsme avec les stigmates du passé, certaines menaces actuelles et les peurs tout à fait compréhensibles qui en découlent, mais qui sont exploités par une minorité pour justifier l’occupation militaire de territoires étrangers et le désastre qui en découle ;

– du bouddhisme avec les attaques répétées contre une partie de la population dans des régions extrêmement démunies de Birmanie ;

– des principes marxistes égalitaristes et antireligieux qui ont été utilisés pour justifier les répressions brutales sous les régimes totalitaires pseudo-communistes d'Europe de l'Est et de l'Union soviétique ;

– des idéaux de supériorité raciale ou culturelle qui sont avancés pour encourager les injustices et la violence, à l’image des génocides commis par l'Allemagne en Afrique et en Europe, ainsi que des massacres de masse – moins médiatisés – perpétrés par la France en Algérie et par la Belgique au Congo pendant la période coloniale.

 

Au sujet de la colonisation belge en Afrique centrale, le best-seller « Congo : Une histoire », de l’écrivain brugeois David Van Reybrouck, est un ouvrage de référence qui apporte des éclaircissements sur des éléments incontournables tels que :

– le régime de terreur mis en place par Léopold II, qui fut financé en partie par l’État belge ;

– les exécutions publiques ;

– les punitions corporelles ;

– les pratiques de recrutement forcé ;

– les centaines de milliers de victimes civiles ;

– le paiement d’un impôt obligatoire sous la forme de travail forcé, pour la récolte de caoutchouc et d’huile de palme par exemple ;

– le déplacement massif et irréfléchi de population (de villages vers des bidonvilles à proximité de ressources naturelles et de points de passage importants), ainsi que les conditions de travail lamentables qui ont ensemble causé, et amplifié, plusieurs pandémies et conflits interethniques ;

– les bénéfices tirés de la colonisation qui ne furent pas destinés au développement de projets essentiels, comme le remplacement de bidonvilles par des villes modernes et la mise en place d’une économie durable, mais qui furent accaparés par quelques groupes industriels et financiers (une partie mineure de ces bénéfices fut utilisée pour la construction d’infrastructures facilitant l’exportation de matières premières) ;

– la ségrégation raciale entre « Blancs » et « Noirs » dans les centres urbains ;

– le fait que tout au plus une vingtaine d’universitaires avaient été formés, après septante-cinq années de colonisation et malgré les centaines de milliers d’autochtones qui avaient travaillé pour l’administration et les entreprises coloniales ;

– la « pseudo-indépendance » précipitée et sabotée du Congo le 30 juin 1960 ; elle fut décidée en quelques mois sous la pression de révoltes populaires, elle prévoyait que des postes de premier plan dans l’armée et dans les grandes entreprises restent entre les mains de responsables belges, et elle fut immédiatement suivie par une intervention militaire belge ainsi que par une aide ambiguë offerte à la région minière sécessionniste du Katanga, sans parler du soutien implicite apporté à l’élimination du Premier ministre congolais de l’époque, Patrice Émery Lumumba.

Ces éléments permettent de mieux comprendre les ravages de la période coloniale, et la situation instable qui se poursuit en Afrique centrale.

 

Il est indispensable de souligner qu’une poignée de bons samaritains et de coloniaux aux nobles intentions ont pris part à ce projet de colonisation, notamment en développant l’enseignement et en organisant des campagnes de vaccination. Néanmoins, ces gouttes d’espoir se sont perdues dans un torrent de négligences, de maltraitances et de meurtres, alimenté par une exploitation sauvage des ressources naturelles locales.

De nos jours, la présence de matières premières provenant du Congo dans des appareils électroniques du quotidien (ordinateurs, téléphones, tablettes…) est un rappel de la dette morale et financière de la Belgique envers la population de ce territoire. La conscientisation des consommateurs quant à l’impact de leurs décisions d’achat, et le développement de projets pédagogiques adressés directement à la population de ce pays, de manière transparente, permettraient d’améliorer la situation actuelle (voir le point 5.2.2.1. Défense de la dignité humaine - B. Dans le monde).

 

 

En ce qui concerne les désastres humains à grande échelle, ceux-ci peuvent encore être déclenchés aujourd'hui par des pays libres, prospères et en situation de paix. C'est par exemple le cas avec le chaos provoqué par les opérations militaires étrangères en Irak. Ces interventions avaient initialement été lancées pour mettre fin à un régime soupçonné de produire des armes de destruction massive, ces soupçons s’avérant cependant infondés. Ils se basaient sur des sources douteuses, prises en compte dans un contexte sécuritaire complexe et sous l'influence de possibles intérêts économiques à court terme.

[54] Vincent Jauvert, L’Obs, « L’incroyable histoire du mensonge qui a permis la guerre en Irak »

https://www.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20130308.OBS1260/l-incroyable-histoire-du-mensonge-qui-a-permis-la-guerre-en-irak.html (texte, en français)

Cette situation montre à quel point il semble indispensable qu’aucune décision d'une certaine importance sur le plan sécuritaire ne soit prise par des individus constamment exposés à de fortes pressions, qui ont vécu des expériences traumatisantes, ou qui peuvent être influencés par des intérêts politiques ou économiques. Ces trois éléments détériorent inévitablement, consciemment ou inconsciemment, la capacité de jugement, ce qui peut conduire aux décisions les plus irréfléchies et catastrophiques ; ce fait aide d’ailleurs à comprendre l’adage selon lequel le pouvoir tend à corrompre même les plus vertueux.

 

 

Sans le discernement et la réserve qu’il exige, tout pouvoir devient toxique et tend à détruire les individus qui le détiennent, mais aussi ceux sur qui il est exercé, et ceux qui l’ont concédé.

 

L’absence de contrepoids et de mécanismes de contrôle fiables amplifie ce potentiel ravageur. C’est notamment de cette constatation que découlent :

1. Le rejet de toute forme de totalitarisme.

2. L’État de droit démocratique.
Il permet au peuple d’organiser la gestion du territoire au travers d’institutions représentatives dont les responsables sont élus, de façon transparente et pour une durée déterminée. Ces responsables exercent le pouvoir dans un cadre constitutionnel devant protéger les libertés, les droits, et les intérêts des citoyens.

3. La mise en place de trois pouvoirs transparents et indépendants, qui se contrôlent mutuellement :
- le pouvoir « législatif », le Parlement promulguant les lois ;
- le pouvoir « exécutif », le gouvernement s’assurant de l'application des lois et gérant la politique courante de l’État ;
- le pouvoir « judiciaire », les cours et les tribunaux tranchant les litiges.

Ces pouvoirs centraux chapeautent des pouvoirs secondaires, comme ceux des administrations publiques et des services de sécurité.

Les principes à l’origine de cette structure du pouvoir sont le fruit d’une longue évolution politique, inspirée par de grands penseurs humanistes tels que le célèbre John Locke. Avec autant d’ardeur que d’arguments clairs, ce philosophe anglais a en outre défendu la nécessité de mettre un terme à tout pouvoir despotique opaque, en instaurant un gouvernement légitime qui représente les intérêts des citoyens et qui doit leur rendre des comptes de manière limpide. Parmi les œuvres de ce génie exceptionnel, citons l’ouvrage de référence « Deux Traités du Gouvernement » (« Two Treatises of Government », publié à Londres en 1690).

Pour en revenir au contexte actuel, il semble indispensable de prendre conscience que tout pouvoir sans contrôle transparent tend vers le chaos, et que le chaos n’a pas de limite. Aujourd’hui, il faudrait renforcer la transparence et l’indépendance des trois principaux pouvoirs afin de faire la lumière sur les problèmes sécuritaires, les violences policières, et les dérives autoritaires qui se multiplient dans notre pays. En effet, cette situation continue de se dégrader, en particulier depuis que nos forces armées se sont lancées dans des guerres inconsidérées pour soutenir l’installation de dictatures instables dans des territoires étrangers (notamment en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie et au Mali, ces deux dernières décennies).

 

 

Sans pour autant disculper les responsables de méfait, il est essentiel de prendre du recul par rapport aux discours réducteurs afin de se concentrer sur le contexte qui permet d'appréhender les faits.

On peut aussi ajouter que le devoir de mémoire n'est pas limité aux victimes et à leurs descendants. C'est plutôt une responsabilité collective afin que les générations présentes et futures en comprennent les principales raisons, n'en commettent plus de semblables, et ne les revivent pas.
Ce devoir passe par une meilleure compréhension des causes et des conséquences de ces drames.

 

 

De manière plus générale, face au mystère de l’avant et de l’après-vie biologique, l’être humain tend à s’attacher à des éléments immatériels qui étaient présents avant sa naissance et qui pourraient le rester après son départ. Ils peuvent être liés à des valeurs humanistes, à des convictions religieuses ou philosophiques, à une langue, à un dialecte, à un territoire temporairement délimité par des frontières physiques ou administratives, à des théories raciales… En ce qui concerne ce penchant naturel, les mouvements qui encouragent la haine ou la violence se placent à un niveau extrême et cherchent à imposer leur vue à d’autres personnes. Ils attirent notamment des individus vulnérables qui rencontrent des difficultés socio-économiques, qui ont besoin de se rassurer en période de grands changements sociétaux, ou qui ont vécu des expériences traumatisantes.

Les idées de supériorité qui sont utilisées pour justifier des méfaits peuvent être basées sur n’importe quelle idéologie, spécificité culturelle ou caractéristique physique.

 

Le témoignage de Christian Picciolini, ancien responsable d’un groupe néonazi nord-américain, donne une idée des processus de radicalisation et de déradicalisation :

[55] Christian Picciolini, Ma descente dans le mouvement néonazi d’Amérique et comment j’en suis sorti

https://www.ted.com/talks/christian_picciolini_my_descent_into_america_s_neo_nazi_movement_and_how_i_got_out (vidéo, durée 20:18, en anglais avec sous-titre en anglais)

 

 

La connaissance de l'histoire est d'une importance primordiale, en particulier de nos jours.

Tout d'abord parce qu'oublier le passé, c'est prendre le risque d'en répéter les fautes.

Ensuite, cela permet de prendre conscience qu'un développement durable ne semble possible qu’à travers un respect et une compréhension mutuels, soutenus par des projets socio-économiques.


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Troisième passage

 

Pour en revenir à la Belgique, nous pouvons commencer par apporter des réponses à certaines difficultés régionales en nous intéressant, par exemple, à cette question :

 

Que penseriez-vous des situations suivantes, et quelles solutions positives et constructives pourriez-vous proposer ?

 

A. Imaginez-vous dans la situation d’un(e) néerlandophone de la commune de Crainhem (située en Flandre, une région majoritairement néerlandophone). Vous avez régulièrement entendu des discours communautaristes de proches qui ont vécu la francisation de Bruxelles ; cette francisation était entre autres due aux discriminations qui visaient les néerlandophones, sur le marché de l'emploi, par exemple.

Vous voyez de plus en plus de francophones unilingues s’installer dans votre voisinage, y compris les gérants des commerces les plus proches qui ne parlent pas du tout le néerlandais.

 

B. Imaginez-vous dans la situation d’un(e) francophone de la commune d’Ixelles. Vous avez fait vos études dans une école où vous étiez régulièrement visé(e) par des plaisanteries qui vous associaient au terrorisme, à la pauvreté et à toutes sortes de crimes. Ces associations étaient directement liées à votre nom ou à vos convictions religieuses, avec une référence culturelle salie par la propagande de guerre de l’armée et exploitée par les médias dans les pires contextes.

Vous avez des difficultés à trouver du travail dans une ville développée, mais où le marché de l’emploi est saturé et où les discriminations sur base de la langue nationale parlée et des origines sont courantes.

 

C. Imaginez-vous dans la situation d’un(e) Liégeois(e). Vous avez travaillé dans la sidérurgie pendant une dizaine d'années avant de perdre votre poste dans cette industrie locale en déclin.

Après des mois de recherche, vous ne savez plus dans quel domaine il est encore possible de vous investir et de vous former pour améliorer vos chances de trouver un poste stable.

 

Vous pouvez partager vos réponses et commentaires via les liens suivants :

Site Internet : www.GrandBrussel.com

Email : contact@GrandBrussel.com

 

 

 


Eendracht met respect maakt macht

L'Union dans le respect fait la force

Einigkeit mit Respekt macht stark

Unity in respect is strength

 

 

La complexité des sociétés humaines tend à croître au fil du temps. Elle résulte de l’augmentation de la population, de l’adoption de nouvelles technologies, du développement des services publics (administration, enseignement, transport public…), etc.

 

Lorsque les capacités d’une société ne parviennent plus à gérer cette complexité, les « secousses » se multiplient et s’intensifient. Elles peuvent être causées par un appauvrissement de la population à la suite de bouleversements sur le marché de l’emploi, par l’aggravation de problèmes sécuritaires due à un manque de contrôle des services de sécurité militaires et civils, et par divers dysfonctionnements de l’appareil d'État.

 

Cette situation pousse un nombre croissant de citoyens à se questionner sur les raisons de cette détérioration, et à se mobiliser.

 

Certains se contentent alors de discours réducteurs, accompagnés de provocations, tels que :

- « c’est à cause » des juifs, des musulmans, des protestants… ;

- « c’est la faute » des francophones, des néerlandophones, des anglophones… ;

- ou encore, ce sont les plus démunis ou les plus fortunés qui seraient responsables de tous les maux.

 

D’autres prennent plutôt du recul par rapport aux stéréotypes qui ont conduit aux pires désastres du passé. Ils se concentrent sur la compréhension et l’amélioration du modèle sociétal, en passant par exemple par les points suivants.

 

1. Une contextualisation des difficultés rencontrées, en évitant les préjugés (aussi bien ceux à connotation négative que ceux à connotation positive) et en intégrant les différences de points de vue, à l’image de la préface et du chapitre d’introduction de cet ouvrage.

 

2. Une adaptation de l’enseignement afin de renforcer le développement intellectuel des citoyens (en ce qui concerne l’esprit critique, les compétences linguistiques, la gestion du stress et des émotions, l’utilisation des innovations, etc.), pour qu’ils puissent apporter des réponses aux besoins d’une société moderne, multilingue et plurielle.

Ce point est étayé dans le deuxième chapitre « Individu, Apprentissage et esprit critique ».

 

3. Une conscientisation de la population quant à l’intérêt d’adopter des comportements de consommation plus responsables, de combattre les discriminations, et de répondre efficacement aux changements socio-économiques.

Ces éléments sont repris dans le troisième chapitre « Société, Absence de dialogue et tensions communautaires », et le quatrième chapitre « Sécurité, Mesures qui menacent les droits humains et l’État de droit ».

 

4. Une extension des partenariats internationaux positifs, établis sur le fondement universel des droits humains, afin de relever des défis planétaires.

Le cinquième chapitre « Partenariats internationaux, Défense de la dignité humaine » traite de cette nécessité.

 

5. L’élaboration de solutions adéquates face aux difficultés, en faisant preuve à la fois de respect, de transparence et d’intelligence.

 

 

Il semble essentiel de dépasser les tensions qui nous affaiblissent tous pour aller de l’avant et construire un avenir meilleur, dans l’intérêt des générations présentes et de celles à venir.

 

L’humanité a le choix de poursuivre son aventure, en s’engouffrant dans une pente descendante marquée par la régression, l’opacité et le fatalisme… Ou en se réorientant vers une pente ascendante caractérisée par le progrès, la transparence et la prise de responsabilité.


 




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